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Conseils Recherches-Actions pour un Développement Durable
6 novembre 2012

Collection « Méthodologie en sciences sociales »

Simone de Beauvoir, La construction sociale des catégories de sexe”. 

Extrait de: Simone de Beauvoir, Le Deuxième sexe, tome 2, L'expérience vécue, 1949, pp.13-48.

“Simone de Beauvoir, La construction sociale des catégories de sexe: Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe”.

Quand dans les enquêtes en sciences sociales il s’agit de relier une ou plusieurs variables dites « indépendantes » à une ou plusieurs variables dites « dépendantes » pour identifier une relation causale où les secondes seraient dans une certaine mesure produites par la présence des premières, les catégories de sexe sont sans doute celles les plus usitées comme variables indépendantes, bien plus que celles concernant les dites « catégories socioprofessionnelles », les lieux de résidence et même les âges. Dans une certaine naïveté de l’approche qui se veut scientifique, les catégories de sexe sont peut-être prisées parce que paraissant correspondre davantage à des « faits » presque « naturels » : « être » une femme, un homme, « appartenir » au genre masculin ou féminin, voilà des apparents constats dont le chercheur en sciences sociales aime (trop) partir comme d’une origine afin ensuite de repérer, expliquer et comprendre des processus qui découleraient de ces situations supposées initiales.

Mais rien n’est sans doute plus naïf et erroné : nombre d’études portant sur les identités sexuées montrent en celles-ci une forte et massive composante culturelle. « Etre » une femme ou un homme, « avoir » un sexe masculin ou féminin représente davantage l’effet de processus sociaux qu’un état naturel antérieur à tout. C’est ce que nous allons considérer ici avec Simone de Beauvoir dans cet extrait où elle décrit comment dans notre civilisation la société entourant l’enfant agit sur lui pour l’orienter dans un type de rôle qui selon les cas sera féminin ou masculin, mais toujours complémentaire à l’autre et répondant aux besoins d’une économie générale servant le fonctionnement de l’ordre social.

Alors que filles et garçons ne sont pas initialement distinguables dans leurs comportements et attitudes, tandis que l’enfant dit « garçon » sera, malgré lui, encouragé à s’individualiser totalement en se séparant de son milieu social d’origine pour affronter solitairement, librement et activement le monde extérieur (ce qui correspond au modèle masculin), l’enfant dit « fillette » verra l’entourage social accepter sa fuite hors de l’individualisation et restera en grande partie dans le lien social comme membre d’un groupe. Les modèles sociaux féminins et masculins sont de la sorte deux façons de traiter et de faire vivre (et ne pas vivre) les rapports de l’être humain avec son individualité. Nous remarquerons cependant que ce déterminisme social, de forme holiste, ne se fait pas sans la complicité des acteurs qui d’une manière assez stratégique contribuent à ces processus en y trouvant chacun un intérêt particulier : pour l’être masculin s’offre l’avantage de jouir pleinement de la liberté humaine et pour l’être féminin l’avantage justement d’échapper à celle-ci et à ses inconvénients. (Là encore, conformément au point de vue de la philosophie « existentialiste », l’être humain gère le drame de l’existence sans essence en se choisissant (partiellement) femme ou homme et en assumant cela dans un certaine « mauvaise foi ».)

Aussi, « devenu » femme ou homme, l’être humain sexué que le chercheur en sciences sociales croira ranger ainsi dans une variable indépendante doit être sous cet aspect bien plus abordé comme une variable dépendante dont il faut chercher les origines dans l’environnement culturel. C’est la trop routinière catégorisation a priori (dans les questionnaires et entretiens par exemple) en genre masculin et féminin qui doit être remise en question si l’on veut vraiment percevoir le sens des processus sociaux et ne pas reproduire l’imposition qu’ils exercent sur la personnalité des êtres qui sont avant tout des humains avant de paraître femmes ou hommes (« paraître » dont il faut précisément tenter d’étudier les facteurs).

Téléchargement du fichier: Metho_Beauvoir_categories_sexe (doc)....Metho_Beauvoir_categories_sexe (pdf)

Bernard Dantier, sociologue, 9 mai 2007.

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